285 - TINTIN PAS LE CHOIX

MOURIR t'auras pas le choix

Tintin est mort dimanche, je n'ai pas digéré son départ ! Y a des trains qui nous séparent pour trop longtemps. Du coup j'ai fait une sorte d'indigestion pire qu'avec une fondue savoyarde. Nous faire un truc pareil à 90 ans ! D'accord je le voyais peu, mais je le savais vivant. C'est comme d'habiter près de la mer, tu ne la vois pas, mais tu sais qu'elle est là. Ben merde, on s'est tous dit, on aurait encore pu rigoler pendant 20 ans avec lui, c'était un grand sportif, il aurait pu largement dépasser les 100 ans. Mais tout s'use, surtout si l'on s'en sert, comme disait la pub pour les piles Wonder !

Pour quelqu'un qui se plaît à dire qu'elle adore les surprises, celle-là, j'ai pas aimé du tout du tout. Les retrouvailles avec tous les cousins et les cousines qui sont tous vieux, j'ai trouvé ça doux au départ, mais inconsciemment, ça m'aura fait violence aussi, faut croire. Le coeur a ses raisons que la raison ignore ... download

Personnellement, comme j'ai la chance d'avoir toujours mes parents, c'est plus fort que moi, je me sens encore petite. Au moins pour eux, et quand on se voit petite, on a du mal à se sentir vieux, c'est mon problème.

Aux enterrements, quand toi même tu approches de la soixantaine, même si tu méprises ton âge, aux enterrements tout le monde est vieux. Y a un truc, c'est confondant. Tous les empereurs de la famille qui trônaient jadis au bout de la grande table et nous surveillaient, prêts à nous balancer naturellement selon les normes de notre époque, une bonne torgnole, si on ne se tenait pas tranquille, tous les empereurs, passé un certain âge, deviennent des petits vieux sympathiques. Sans doute parce qu'ils ont abandonné le tropisme du vainqueur destiné à accomplir de grandes choses ! Allez savoir ? Et puis, ils sont beaucoup, mais alors beaucoup plus petits qu'avant ! Comme quoi on doit garder toute notre vie en tête, des proportions enregistrées vers l'âge de 5 ou 6 ans. Et puis, quand on a connu comme moi, une époque où à la campagne tout le monde parlait Gallo, entendre les mêmes, quarante ans plus tard parler avec l'accent de la ville, ça remue quelque chose qui sonne la fin d'un monde. Mais finalement depuis que le monde est monde, la fin du monde assassine chaque génération. On devrait mieux s'y préparer et dans la joie, car la fin de quelque chose implique toujours le renouveau, même si c'est pas pour nous. Regardez la fin du capitalisme ... ! C'est en me faisant toutes ces réflexions, que je suis devenue aphone dans un premier temps. Aphone pour ne pas lire un texte de l'Evangile certainement, car mon corps ne sait me trahir. Il m'a coupé la chique. Que voulez-vous je déteste la religion, pour moi c'est comme le Freudisme, une vision du monde privée, à prétention universelle ... Autant dire un vulgaire mode d'emploi qui réclame des sous à la quête et une grande obéissance dénuée de toute velléité critique. Décidément me disais-je privée de voix, si j'ai le goût des affabulations de haute volée, la religion ou la psychanalyse ne sont qu'hallucinations collectives auxquelles je ne participerai pas !

C'est alors qu'en rentrant, une fois Tintin disparu dans les flammes de l'enfer pour rejoindre le paradis ... PAF mon corps submergé de tristesse s'est crispé furieusement et CRAC lumbago ! Avait-il besoin de s'immobiliser pour réactualiser ses données ? Dieu seul le sait.

J'en suis à me dire que si la conscientisation de mes refoulements multiplie l'apparition de nouveaux symptômes, je ferais bien de fermer définitivement tous mes vieux circuits pour m'inventer de nouveaux schémas. Exactement comme le capitalisme quoi !

Oui mais Seigneur, comment faire sans mode d'emploi ?

Iso

 

COMMENTAIRES

-Y'a un truc pour clamser tranquille, comme Tintin, sans angoisse inutile.  C'est Umberto Eco, celui qui vient de mourir au nom de la rose, qui nous livre le secret : "La seule façon de se préparer à sa mort est de se convaincre que tous les autres sont des couillons" (article paru dans l'Espresso en 1997). JK