115 - Creuse et tais-toi

    Une heure du mat, je vais faire une pause, ça fait six heures que je conduis. Tiens prochaine ville La Souterraine. Clignotant. Une jolie petite place. Pas un chat, je me gare. Quand je traverse la France, j'adore dormir dans la voiture. En bonne bourgeoise, discrètement, j'enfile mon pyjama en pilou, et  je me glisse douillette, dans mon duvet doublé coton. Rien à craindre entre Groupama et le Crédit Agricole. En face, un petit bistrot, une boulangerie. Vivement demain matin. Bonne nuit. Dodo.
    Sept heures peut être, j'ouvre un oeil. La lumière s'allume dans le café. La boulangerie s'anime. Un gros monsieur en chaussons traîne les pieds sur le trottoir. Personne ne se doute que je suis là tranquille. Un grand café allongé s'il vous plait. J'ouvre le journal La montagne. Page 2 tout en haut " Devenez chercheur d'or et de pierres précieuses en Creuse. Venez en couple, en famille ou en groupe. C'est ludique. Pour 15 euros par personne, devenez orpailleur. Ci après le numéro de l'asso. J'en ai le souffle coupé. La société Cominor a tout prévu. En ces périodes de crise profonde ou le travail vient à manquer, partout l'or fait rêver.
creuser
    En Creuse, la ruée vers l'or est annoncée. Cominor met la pression partout. La société harcèle les agriculteurs et les propriétaires terriens vivant sur des zones déterminées. Mardi soir, réunion dans la salle des fêtes. Une vingtaine de personnes. Des résistants. Un agriculteur venu raconter. J'aime ma terre. J'ai racheté un bois il y a 5 ans pour ma retraite. La nature, c'est mon bonheur. J'en peux plus. Cominor va nous avoir à l'usure. Il veut juste faire des petits prélèvements. Pour prélever, il leur faut juste un accord verbal. S'ils font des carottages, faudra signer un contrat. Mais pour les prélèvements, c'est pas nécessaires qu'ils disent. Tout ça nous mine. On n'en peut plus, ça nous met la pression. Moi, ça me bouffe cette histoire. 
    Attendez Denis, si vous les laissez prélever, vous êtes foutu. Quand les résultats positifs bidons, arriveront sur le bureau du ministre, il sera trop tard. Vous serez tous expropriés. Trop tard. Ne les laissez pas approcher. Vous pouvez déjà signer un papier et l'envoyer à la préfecture en recommandé, vous savez. Voici un exemplaire.
    Moi dit Marc, j'ai quitté Paris pour Lussat. J'ai largué mon super boulot de cadre sup. Mon super appartement. J'ai tout laissé pour une nouvelle vie pour mes enfants. Je voulais les voir courir dans la nature. Je gagne trois fois moins ici, mais j'ai une jolie maison, un magnifique jardin. On est heureux. J'habite à côté d'une rivière. Si vous dites oui, tout sera pollué. Je perds tout, vous aussi, et demain, partout en France, si personne ne dit rien, partout les Sociétés minières vont creuser, polluer, et les galeries serviront de zones d'enfouissement quand les mines seront fermées.
    En Côtes d'Armor, 34 communes sont touchées. Ne dites rien surtout les gens, faut pas vous inquiéter, ils sont si gentils chez Variscan Mines, ils ont un permis de rechercher. Un dossier propre qu'ils disent. PROPRE. Ils vont chercher du cuivre du zinc du plomb de l' or et de l'argent et d'autres métaux rares indispensables pour les nouvelles technologies qui vont nous sauver demain. Et en passant, ils feront un tout petit sondage aussi sur 411 km² pour les gaz de schiste, mais c'est pas méchant ... A Lussat tout le monde cause. Des jeunes gens nous ont accueillis froidement en arrivant. Ils nous ont dit n'allez pas voir ces cons, parlant de l'association STOP MINES, nous on veut du boulot ici. A Lussat, les avis diverges. Pour finir la soirée quelqu'un a raconté que dans le village en 1976 quand la mine a fermé. Pendant les nuits suivantes. Il y a eu une ronde de camions qui arrivaient de partout, la nuit. Des camions, des camions et des camions. Les gens sont restés derrière leurs volets. Baricadés. Ils ont eu peur. Personne n'a osé poser de questions. Des camions de quoi, des camions d'où ?

La Bretagne et la Creuse comprendront elles mieux l'Afrique, une fois qu'elles auront été défoncées à leur tour ? Saignor il est l'or. L'or de tout défoncer.

Iso


COMMENTAIRE  

- Il y a une trentaine d'années en Bretagne intérieure, nous avons réussi à foutre dehors la Cogéma qui jouait, de mêrme manière, les taupes dans notre paysage. Une lutte qui a duré une bonne dizaine d'années. On s'était organisés pour cela. Plus tard nous avons encre gagné la bataille contre l'enfouissement des déchets nucléaires (voir le premier article de ce site en avril 2000)

Aujourd'hui, à ma connaissance, seule la petite commune de Perret (22) s'est opposée, par un vote en conseil municipal, à ce saccage programmé.
Alors les jeunes ? Vous roupillez ?
JK