...à périodicité très variable, ouverte le 23 février de l'an de grâces (matinée) 2014...

et (presque) fermé en janvier 2017


sphinx

PRÉ EN BULLE
Cette page n'est subventionnée par aucune collectivité territoriale,
car nous détestons la littérature de faussaires à la main d'organismes bidons ( Offices, fausses assos, EPCC...), instrumentalisés en sous main par des élus.
Quand, par le passé, les gouvernants, ou leurs porte-plumes serviles, se sont occupés de régenter art ou littérature, on a aussitôt
pu constater la régression mentale.


(avec la complicité de Léonor Fini, ici à droite)

Le mot "Bretagne" de ce titre n'implique aucune allégeance à un quelconque communautarisme, autonomisme ou indépendantisme. Il situe juste le lieu de la culture (et parfois de la langue) d'où nous écrivons. Notre regard essaie de porter plus loin que les Régions, les États, les continents... ou les galaxies, car nos territoires sont avant tout imaginés.

Vous avez de bonnes griffes, vous aimez la couleur, vous aimez ouvrir votre gueule, vous détestez la censure
...cette page est à vous
Si votre contribution ou réaction est retenue par le "comité éditorial tricéphale" *, à humeur bien tempérée, votre signature (ou pseudo) y figurera. Les réactions  parvenant à l'adresse du site seront toutes publiées.
* à savoir : Régine Mary (Iso), Gilles Knopp (Knoppy) et Jean Kergrist (JK)

Pour un formatage américain à réactivité immédiate, il faudra vous adresser au logiciel Wordpress. Ici on prend le temps des relations humaines et des labyrinthes rigolos des fêtes foraines. On s'en fout totalement du nombre de zamis sur fesse-bouc.

On n'est pas à un jour près, ni à un mois.
On prend le temps, avant d'écrire, de tourner 7 fois la plume dans l'encrier des sentiments. On amène ses crayons de couleur, on s'écoute, o
n se cause et on se contredit courtoisement. Pour vos plaidoyers en faveurs du Front National, du pâté Hénaff, de la Légion étrangère, de l'Institut de Locarn, ou de l'agriculture productiviste, adressez plutôt vos textes à Minute ou à La France Agricole.

Depuis fin février 2014, sur cette page, déjà près de 400 articles (tous en ligne). Pour faciliter leur repérage, ils sont numérotés. Le moteur de recherche interne vous permet de trouver les thèmes abordés ou les personnes citées.

Marquez cette page dans vos onglets de favoris et merci de la signaler à vos amis et proches.
Pour publication ou commentaire, rendez-vous à la page contact du site. Textes et commentaires (sans injures ni diffamation) pas trop longs si possible.
Aucune censure : ils seront publiés intégralement.

Le cri de l'épervier ou le chant de la grive musicienne seront-ils bientôt remplacés, dans nos campagnes, par le bourdonnement entêtant de drones téléguidés ? Ces véhicules aériens, apparus dans les années 1990, ne sont plus seulement des engins prisés par les militaires pour surveiller, et le cas échéant, donner la mort, au moyen de frappes ciblées, dans des zones de conflit et d'infiltration « terroriste » comme à Gaza, au Pakistan, en Afghanistan, ou bien encore au Mali. Les drones sont maintenant utilisés de plus en plus dans le domaine civil et partent à la conquête du monde agricole. épervier
Une campagne de promotion et de commercialisation semble avoir été lancée à l'occasion du salon de l'agriculture 2014 dans le cadre d'un plan média remarquablement relayé par toutes les grandes chaînes de télévision. Le drone est désormais l'outil indispensable à une « agriculture de précision » pour optimiser les rendements, améliorer la qualité de la production et, bien évidemment, mieux respecter l'environnement. «  Avec les drones, les agriculteurs vont pouvoir faire des économies d'intrants » affirme Frédéric Serre, le président du directoire de Delta Drone, la première entreprise française fabricante de drones civils.
Les milans royaux, les marouettes ponctuées, les fauvettes à lunettes, sont menacés d'extinction mais les drones vont se multiplier avec la bénédiction de l'INRA qui voit dans ces outils de télédétection un moyen « de recueillir des informations clés sur des parcelles cultivées » et « des alliés pour l'agriculteur soucieux d'optimiser ses apports azotés ».

Cette agriculture innovante, qui prétend nourrir la planète, est évidemment réservée à une toute petite élite, à une toute petite frange d'agri-managers, environ 1 % des actifs agricoles sur les 1,3 milliards de travailleurs paysans. L'agriculture manuelle, sans tracteur ni machine, l'agriculture à bras - et ce sont souvent des bras de femmes - demeure largement dominante à l'échelle mondiale. La pauvreté et la faim affectent encore la grande majorité des paysans d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique latine. Comme le rappelle Marcel Mazoyer, professeur émérite à l'Institut national agronomique, « l'écart de productivité entre les paysans les plus nombreux qui sont les moins bien équipés, et une poignée de quelques millions d'agriculteurs très équipés et très en avance, est passé à 1 pour 2000 ».

L'agriculture de demain n'est pas celle désignée et vantée par les tenants du système. On sent bien, derrière l'arrogance du discours, que le rouleau compresseur de l'agriculture industrielle est à bout de souffle, n'ayant d'ailleurs plus rien d'autre à broyer que des sols inertes. Les esprits mûrissent, évoluent. Pour la première fois dans l'histoire de l'INRA (Institut national de la recherche agronomique), plus d'une centaine de chercheurs ont récemment demandé à leur administration le retrait d'une étude partisane critiquant l'agriculture biologique (lire l'article de Reporterre).

Quand un système en est réduit à tronquer, falsifier la réalité, afin de maintenir son hégémonie, il approche de sa fin et se sait lui-même condamné.

Jean-Luc Gasnier  (Attac33)

Suite à la brillante promotion des deux principaux collaborateurs de cette page, du rang de simples contributeurs à celui de rédacteurs d'un comité tricéphale (cf + haut), les deux intéressés se sont confondus en chaleureux remerciements. Je suis très flatté de pouvoir relayer ici leur gratitude.
JK

Je viens d'apprendre avec consternation ma nomination au poste de commissaire de rédaction.
Knopp ? Ah oui, un du tricéphale.
Je te promets, maman, que j'ai rien demandé.
C'est Jika ! Comme d'hab', il fait le truc et t'en informe après...
Je sais pas trop c'est quoi les prérogatives, du coup.
Le pot de fin d'année peut-être, les trucs comme ça.
Tester les postulant(e)s ?
Dans le télé-travail, c'est des tests virtuels, on voit pas bien l'intérêt...
J'avais déjà doublé ma paye de bénévole en arrivant, je vais peut-être encore être augmenté ?
Ouais alors bon !
Faisez gaffe passque à partir de maintenant, Régine-ex-Sainte-Iso et Knopp-ex-Maître-Knopp, y sont passés du rang de simple chroniqueur deuxième pompe à celui de co-rédacteur.
Ou alors, c'est juste un truc honorifique qui sert d'à rin mais qui fait plaisir, comme une légion d'honneur mais en plus petit, et sans la bise du Président.
Ou alors, le Jika, y va encore bientôt me demander un truc, et il y met les formes à l'avance, connaissant mon irrascibilité.
On verra bien !
"Inch Allah" comme disait feu le regretté Oussama Bin Laden !

Gilles Knopp

 

Ben voui Tryphon j'aurais pas mieux dit !

Nous voilà autonommés par JK qui n'a po un encéphalogramme plat !

ça va nous mette  grave la pression ! pire que si on montait un côte à vélo, enfin
surtout pour moi

j'avais pas prévu d'faire le tour de France, mais puisque chuis désignée volontaire, va falloir que je m'intéresse
à la couleur des maillots !

J'espère qu'on aura au moins un coup à boire le jour où on passera la
ligne d'arrivée ! tu vas voir que demain il va nous faire pédaler et qu'il
nous encouragera, bien assis dans la voiture balai ! Hein JK !



Iso


LE COMMENTAIRE
18/03/14

    Nous avons navigué ensemble naguère y’a pas très longtemps sur même rafiot pourri. Des mois à ramer et à faire briller les cuivres pour des petits chefs qui te prennent de haut et te font disparaître à fond de cale dès que t’oses les contredire. Matelots berniqués jusqu’au trognon, ça crée des liens.

    Mais ne vous réjouissez pas trop vite mes loulous. Si le mépris c’est toujours gratuit, la considération a un prix. N’allez pas croire que c’est pour vos belles plumes que je vous fais aujourd’hui mousser. La ficelle est plus grosse que vous ne l’imaginez.

 jupiter

    En vous faisant passer du rôle d’invités à celui de collabos, d'un, je vous neutralise, de deux, je me glisse en douce dans le trio de tête, alors que jusque-là j’en étais réduit à placer, de ci, de là, mes petits commentaires sous vos papiers malfaisants. Je vais maintenant pouvoir mettre mon grain de sel à part entière en lançant aussi des sujets.

    Du coup j’abandonne ma page perso, située à quelques encablures, où, tout seul depuis 14 ans, je me faisais un peu chier, même si, chemin faisant, j’ai battu le record de la page la plus longue du web. Je me trouve désormais des compagnons de débauche et de ripaille qui bouffent autre chose que du pâté officiel Hénaff.

    Mais je vous préviens tout de suite : même s’il n’y a plus de petits chefs, c’est moi qui mets en pages. Je garde les clefs de la conciergerie. Et je vous vire comme des malpropres si vous dites du mal de moi, de ma famille, de mes employeurs, de mes souteneurs, de mes soutiens politiques, militaires ou religieux ainsi que de mon chat. J’ai été couillonné une fois. Ce sera pas deux.
JK

17/03/2014 et un commentaire le 18/03/14

C’est décidé. Je me déconnecte. Internet, la messagerie électronique, c’est fini.

Pourquoi ? La réponse tient dans la lettre que j’ai tenté d’écrire. Ma lettre à la Machine internet qui n’est que l’expression d’une plus vaste Machine partout présente, y compris et pour commencer en nous-mêmes.

Chère Machine,
Je t’écris avec des mots qui s’échappent de moi en liberté, des mots qui t’échapperont parce qu’inaudibles, hérétiques, par les temps qui courent. Mais qu’importe.mercure1
Tu prends chaque jour un peu plus de place dans le monde où nous sommes. Tu attires sur toi la vénération du grand nombre. D’ailleurs, comment ne pas être bouche bée devant tes prouesses ? Comment ne pas être sidéré par ta mémoire infinie, par la vitesse avec laquelle tu accomplis les tâches les plus complexes ? Tu promets tant et tant. Tous les jours un peu plus, tu colonises chaque domaine de nos vies et s’affranchir de ton emprise relèvera bientôt de la gageure, si ce n’est déjà le cas.
Pourtant, chère machine, je me déconnecte. Note bien que je n’ai jamais succombé à tes gadgets à la mode, qu’ils se nomment téléphone portable, smartphone, tablette ou je ne sais quelle futilité encore. Par contre, j’ai cédé depuis quelques années au vertige d’être relié au monde entier via mon ordinateur de bureau et c’est à cette connexion que je mets fin  aujourd’hui.

 Mercure,
messager des dieux, patron des communications rapides.

De proche en proche, je me suis pris au jeu. Le temps passé face à l’écran a grignoté mes heures de liberté. Il faut dire que tu réussis le prodige de nous donner l’illusion de la toute-puissance, alors que nous ne faisons rien  d’autre que de tisser la toile dont nous sommes la proie.
Un jour, j’ai pris la mesure de tout ce temps volé, ce temps que j’aurais dû passer avec moi-même, avec les autres de chair et de parole, ce temps que j’aurais pu prendre pour être intime avec les arbres, avec les livres de papier, tu sais, ces choses anciennes que l’on peut lire et relire sans être distrait par des musiques, des vidéos, des bannières publicitaires, des hyperliens… Ce temps pour l’essentiel, pour être ému par les visages du ciel, par les mélodies d’un rouge-gorge. Ce qui chante, nous enchante, les premières graines qui germent au printemps.

Mais mon réquisitoire ne s’arrête pas là. Il y a aussi, parmi les raisons de mon départ, la débauche d’énergie nécessaire à ta fabrication, à ton usage. Les faits sont accablants, je n’en citerai que quelques-uns :lorrain
- qu’une simple recherche sur le net sollicite autant d’énergie qu’une ampoule basse consommation brûlant pendant une heure.
- que les courriels et les téléchargements représentent des émissions de CO2 hallucinantes.
- que les centres de données sont de plus en plus énergivores pour fonctionner, pour être refroidis.
- que les gaz à effet de serre liés à Internet polluent autant que l'avion.
- qu’Internet est le cinquième « pays » plus grand consommateur mondial d’électricité, avec des taux de croissance de 12% par an.

Mercure volant le troupeau d'Apollon (Mercure volant nos vies ?) par Lorrain 


Il y a la gabegie insensée, favorisée par l’obsolescence programmée, il y a les terres fertiles que l’on éventre pour extraire les minerais nécessaires à ta fabrication. Il y a le gaspillage de l’eau qui manque aux populations locales, les violences et les guerres générées par l’accaparement des ressources rares, l’empoisonnement aux métaux lourds, aux dioxines, l’irradiation aux ondes nocives… J’en passe.


caducéeJe me suis engagé contre ce projet dément d’aéroport, à Notre-Dame-des-Landes, et je me suis vu, je nous ai vus, nous opposants irréductibles, pianotant fiévreusement sur nos claviers. Le sentiment a grandi en moi d’un malaise. Je me suis demandé :
- Combien nos connexions et nos machines, mises bout à bout, représentent d’avions, d’aéroports ?
- Combien notre fébrilité communicante détruit-elle de terres agricoles ?
- Combien d’expulsés, de sous-payés, de suicidés pour assouvir nos cyber-pulsions ?

Cadudée de Mercure

Moteur de la croissance économique, du pillage des ressources, des pollutions, du chaos climatique, tu brûles tout sur ton passage, tu détruis jusqu’à l’horizon d’un ailleurs possible.
Partout où tu passes, ne restent que des simulacres. Ce qui nous faisait vivre émerveillés dans la simplicité, la gratuité, tu le remplaces par des ersatz, et nous voilà à devoir payer pour des nourritures qui nous laissent l’âme et le ventre vides. L’insignifiance, la vacuité érigées en valeurs suprêmes
Tu numérises tout, les êtres humains, les animaux, nos objets les plus familiers. Chacun, chacune, affublés de puces, de prothèses et de capteurs électroniques, reliés au grand réseau, gérés, optimisés, pixellisés, géo-localisés, fliqués, ciblés en permanence.
Personne n’a voté pour toi, mais tu décides de l’essentiel et nous appelons démocratie des débats d’experts d’où sont exclus les simples citoyens, tout juste consultés pour avaliser des décisions prises par d’autres.
Sans même y prêter attention, nous t’avons délégué des choix qui fondent notre humanité. Plus personne ne contrôle les commande d’un système devenu autonome.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit : un système aux métastases infinies.
Machine d’Etat, machine industrielle, machine bureaucratique, machine à fabriquer des machines qui nous mâchent et nous crachent, machine à décider à notre place.
Machine à « gérer » nos émotions, notre temps, notre vie.
Machine à calibrer, à certifier conforme, à normaliser, à pétitionner, à revendiquer, à se la jouer rebelle utilisant des logiciels libres, à s’auto-proclamer subversif créant le buzz et faisant tomber des dictatures, rien moins.
Machine censée réparer les dégâts causés par d’autres machines et qui, pour un désastre colmaté, en crée mille ici, ailleurs, aujourd’hui, demain.
Machine de guerre contre la vie, une guerre qui ne dit pas son nom et que tu mènes dans l’euphorie et dans l’approbation générales.
Nous, les humains au service des machines, sommes devenus semblables à des pendus espérant leur salut de la corde qui les étrangle, suppliant qu’elle soit resserrée toujours plus. Nous les zombinautes en extase, acclamant une société de surveillance participative où chacun alimente le flicage de lui-même, et déballe sans pudeur sa petite vie en public, sur les écrans, parce qu’exister, c’est ne plus rien cacher de soi, sauf à avoir des choses à se reprocher – forcément.
Nous voilà réduits à n’être plus que des émetteurs-récepteurs, de simples mécaniques, des supports imparfaits, émotifs, fragiles, mortels, sur lesquels greffer des prothèses pour qu’enfin, l’humanité ne soit plus qu’un lointain souvenir, pour que la rationalité et l’efficacité colonisent chaque parcelle de nos êtres, de nos vies, tandis que s’amenuise notre sensibilité à la vie, à nous-mêmes.

L’innovation technologique a remplacé Dieu au temps des Croisades. Le clergé électronique, quelle que soit sa couleur politique, exhorte ses fidèles à être des technolâtres enthousiastes.
A chaque Dieu, ses sacrifiés. Ceux d’aujourd’hui s’appellent les électro-hypersensibles, les victimes des guerres pour le contrôle des ressources, les peuples et les bêtes chassés de leurs terres, la nature saccagée, le climat déréglé…  Toutes les vies qui ont ou n’ont pas visage humain et que l’on abîme allègrement, que l’on extermine au nom du progrès.
louvre

Avons-nous plus de temps grâce à toi, alors que nous sommes pris dans une course folle, dans l’urgence de ne pas rompre la chaine des cyber-esclaves, alors que le temps pour rêver, pour contempler, pour penser s’amenuise, alors que, incapables d’accomplir tout ce que l’on voudrait, tout ce que l’on pourrait, nous allons de frustration en frustration, papillons aveuglés par la lumière des écrans, prenant la copie pour l’original et leurs dealers pour des sauveurs, n’ayant plus qu’un reflet misérable à étreindre ?

Sommes-nous plus libres, plus autonomes, alors que notre dépendance à ton égard ne cesse de croître jusqu’à nous rendre incapables de nous passer de tes services ?

Communiquons-nous davantage, dans un rapport de profondeur, de présence réelle à l’autre ? Ne sommes-nous pas déjà réduits à des machines, à être ainsi quelque part tout en étant ailleurs et donc nulle part, avec quelqu’un tout en étant désengagé et donc avec personne ?
Toute limite à nos pulsions cybernétiques est désormais vécue comme une atteinte aux droits humains fondamentaux, au dogme d’une croissance à l’infini, alors que c’est précisément sur ces terrains que se joue l’avenir de la vie sur terre : sur le sens des limites, de nos devoirs à l’égard de la vie, de toutes les vies.

Mercure volant musée du Louvre
 

Epargne-moi ton couplet sur ta prétendue neutralité, alors que tu bouleverses notre rapport aux autres, à nous-mêmes, au monde, au temps et à l’espace.
Ne cherche pas à me convaincre que tu enrayes la destruction du monde. Tu l’accélères, tu règnes en despote, et nos clics citoyens sont dérisoires, sous contrôle ; tu les recycles pour étendre un peu plus ton empire, voilà ce que je crois. Si je me prive de certains moyens d’information et d’action en me déconnectant, j’en explorerai d’autres, voilà tout. Il existait une vie avant Internet, j’ose espérer qu’il en existe une autre après.
Ne prétends pas élever les êtres. Tu confonds tout, l’information et la connaissance, la culture et l’industrie des loisirs, la profusion et ce qu’il faut de lenteur, de profondeur, de patience, de solitude et de silence pour construire une pensée, un être humain.
Inutile de m’asséner le poncif du retour à la bougie. Ce grand bond en arrière, c’est toi qui le provoques lorsque tes ondes nuisibles relèguent de plus en plus de personnes électro-sensibles dans des grottes, des forêts, des caves...
Ne perds pas ton temps à te gargariser de sobriété numérique, d’informatique citoyenne, autonome, coopérative, émancipatrice. J’ai passé l’âge de la candeur.

Un dernier mot, enfin. Je suis sans illusions sur la portée du choix qui est le mien. Ma déconnexion du grand réseau sera sans effet sur le cours du monde, qui continuera à réciter et appliquer son catéchisme technolâtre, avec ou sans ma contribution.

Simplement, je serai un peu plus en harmonie avec moi-même. J’aurai regagné un peu d’autonomie sur ma propre vie. Je me serai réapproprié un peu d’espace, un peu de temps vers un ailleurs de liberté. J’aurai tenté d’ouvrir les yeux sur la machine en moi et peut-être, peut-être, de la briser un tant soit peu. Enfin, j’espère.
Et ce n’est pas rien.

Frédéric Wolff

 
UN COMMENTAIRE 18/03/2014

    Frédéric,
caverne1     Ta Machine n’est qu’une machine. À lui prêter ainsi des sentiments humains, tu l’aimes peut-être un peu trop. Elle ne fait qu’aller où tu lui dis d’aller. Comme un esclave. N’inverse pas les rôles. Tes heures de liberté, c’est à toi de les décider, non à elle. En plus, tu nages en plein paradoxe : tu t’en sers pour nous inviter à nous en séparer. Comme un facteur qui nous enverrait une lettre pour nous demander de boycotter la Poste. 

    Elle ne fait pas concurrence aux mélodies du rouge-gorge, ni aux graines qui germent au printemps. À toi de maîtriser ton temps pour ne pas sacrifier ces subtiles mélopées à son langage binaire. Ne dépasse pas la dose prescrite. Même pour la bonne cause.

    Tu nous parles de tes excès de clavier lors de ton combat contre N-D des Landes. Imagine nos propres excès du temps du Larzac ou de Plogoff : ces litres d’essence engloutis dans nos 2CV, ces milliers d’arbres abattus pour tirer nos tracts et nos affiches. Alors qu’aujourd’hui, d’un clic, nous pouvons alerter les grand-pères et les bébés et nous retrouver à 50.000 à Nantes pour contrer nos exploiteurs.

platon Qu’elle provoque une énorme gabegie d’énergie pour fonctionner ne fait pas de doute. C’est un vrai problème. Mais à proportions égales, Gutenberg pouvait, en son temps, en dire autant de l’imprimerie.
Le pillage des ressources de la planète, la colonisation, la dictature, la bureaucratie, la normalisation, la guerre, n’ont pas débuté avec l’ordinateur.

Notre sensibilité à la vie et à la beauté du monde peut aussi se décliner sur un clavier et parcourir l’espace plus vite - et surtout mieux - qu’au temps des croisades ou de Christophe Colomb.

Nous ne sommes pas plus libres qu’avant Internet. Pas plus esclaves non plus. À nous de gérer au mieux le bouton arrêt. Pas besoin pour cela de casser la Machine.
Les signes se lisent toujours sur les ombres des parois. L’entrée de notre grotte peut encore laisser passer le soleil, dans la lenteur, le silence et la solitude de nos pensées partagées.
 
Merci la Machine.

En plus, quand je m’adresse à toi, elle accepte de se laisser oublier. Brave bête !

JK



Fernand Raynaud, maître ès philosophie avec Bourvil (je les ai longtemps imités tous les deux), vient glisser sa touche dans la campagne des municipales. Son légendaire imper froissé, vous le devinez, ne serait pas aujourd'hui de couleur bleu marine.
Dans ce sketch, il porte nœud pap et képi. 
JK

J'suis pas un imbécile ! raynaud1 Moi, j'aime pas les étrangers ! Non!
Parce qu'ils viennent manger le pain des Français !
Oui ! J'aime pas les étrangers !
C'est vrai, c'est comme ça, c'est physique !
Et pourtant, c'est curieux, parce que, comme profession, je suis douanier !
Alors, on devrait être aimable et gentil avec les étrangers qui arrivent!
Mais moi, j'aime pas les étrangers!
Ils viennent manger le pain des Français!
Et j'suis pas un imbécile! Puisque je suis douanier!
Je peux écrire ce que je veux sur des papiers, j'aurai jamais tort! J'ai le bouclier de la Loi! Parce que je suis douanier! Je peux porter plainte contre n'importe qui, je suis sûr de gagner en justice! J'suis pas un imbécile !
Moi j’suis Français ! Et j’suis fier d'être Français!

Mon nom à moi, c'est Koulakerstersky du côté de ma mère et Piazanobenditti, du côté d'un copain à mon père ! J’aime pas les étrangers qui viennent manger le pain des français.

raynaud2Dans le village où j'habite, on a un étranger. Quand on le voit passer on dit : « Tiens ! Ça là, çà là c’est l’étranger. Comme un objet. Quand on a du respect pour un être humain, on dirait « Ce monsieur. » Quand sa femme passe, l’étrangère baissant la tête, on dit : « Celle-ci c’est l'étrangère qui vient manger le pain des français ! »

L’autre dimanche, à la messe de 10 heures, j’avais été communier au café d’en face. L’étranger a voulu me parler. Moi j’avais aut’chose à faire. J’avais mon café à me faire. Moi j’suis douanier. J’suis pas un imbécile. Du haut de sa grandeur, étant fonctionnaire, j’ai daigné l’écouter cet imbécile. Il est étranger, forcément. Il me dit :
« Ne pensez pas que vous êtes ridicule, à notre époque, de ne pas aimer les étrangers. Réfléchissez enfin ! Quand un chirurgien du Cap va opérer un cœur humain, que ce soit à Pékin, Stockholm, Moscou, Washington, il s’y prend de la même manière ? Nous sommes tous égaux. »
raynaud3 J’ai rien compris à ce qu’il a voulu me dire. J’en ai conclu qu’il était bête. En effet lorsque quelqu’un s’exprime et que l’on ne comprend pas ce qu’il dit, c’est qu’il est bête. Et moi j’peux pas être bête : je suis douanier! J’aime pas les étrangers qui viennent manger le pain des français.
Il m’a répondu : « J’en ai ras le bol, moi. Vot pain et vot France. Et j’m’en vais. J’fou le camp»

Il a pris sa femme, ss enfants, sa valise. Il est monté sur un bateau. Et il est parti loin au-delà des mers.
Et, depuis ce jour-là, dans notre village, nous ne mangeons plus de pain...

Il était boulanger!


Fernand RAYNAUD, 1975.

Retrouvez ce sketch sur dailymotion.


UN COMMENTAIRE 17/03/2014
Sainte Iso me signale aussi le fameux "Sens interdit" de Raymon Devos. Les comiques philosophes abondent. On y reviendra. De Desproges à Coluche en passant par Francis Blanche ou Pierre Dac... 

12/03/2014 avec 2 suites + 2 commentaires le 15/03/2014

 

GreschnyDans la démarche qualité, traditionnellement, pour la grande élimination, l'extermination, ou la grande sélection, tu appelles ça, comme tu voudras, il existe un mode d'emploi. C'est important de le savoir. Le protocole est toujours très facile à comprendre. Il est basique. Primaire. Prévisible. Très con. On mesure dans ces grands moments, les finalités de la notation. La Qualité merdique ne vendant que de l'excellence, quand tout va bien, tu as une bonne note. Si tu es très obéissant. Mais jamais vingt sur vingt, non ! Il te faut une jolie marge de progression. Sinon, tu vas demander une augmentation ! Or, si tu demandes une augmentation, c'est que tu n'as pas de cœur. Tu veux ruiner ta boîte ! La réflexion est surprenante et autant dire inattendue, en effet elle surprend, la première fois, seulement la première fois, après chacun s'y fait, bien entendu. Rien à voir avec les augmentations successives des dirigeants. Rien à voir. Eux, ils sauvent ta boîte. Ils la sauvent la boîte, et ils se sauvent en même temps.

Donc, quand tout va mal dans ta boîte, la direction commence toujours par effectuer une première sélection. Or, pour mettre un peu d'ordre dans la maison, un seul mode d'emploi, avec deux solutions au choix. C'est à dire, deux types de placards. C'est pas compliqué. C'est binaire. Comme en informatique. La démarche qualité, n'a aucune, mais alors, aucune imagination. Elle est réduite à un tableau à deux entrées. Il faut bien le savoir, et le rapporter à la ronde, la qualité c'est pas sorcier, c'est binaire. Donc, aux fins d'extermination, sont désignées d'abord, les grandes gueules, les fortes têtes, habituées à s'exprimer en toute occasion. D'un coup, elles deviennent dangereuses pour la qualité. Si elles voyaient passer des trucs pas calibrés, sûr, elles feraient du foin. Attention !  Faut pas les garder, faut les éliminer en premier, c'est dans la démarche. La procédure est très simple à comprendre, puisqu'elle est binaire. Alors, le protocole classique de la torture légalisée est toujours le même. Il ne présente aucune originalité. Il suffit de l'apprendre, on peut s'y préparer.

Adam et Ève chassés du paradis
(fresque de Nicolas Greschny dans l'église de Chatel-Guyon -63)


La recette est facile à réaliser. Nous sommes des milliers à l'avoir expérimentée. Du côté des salariés, et du côté de la direction. Première étape, convoquer la personne et essayer de l'impressionner. Le faire toujours, avec un air grave et important. Comme au conseil de discipline, à l'école primaire, au collège, au lycée, à la pension ou à l'armée avant. C'est toujours la même chose, depuis la nuit des temps.

Pour une fille, lui demander à l'avenir d'être avant toute chose, plus discrète, et accessoirement si elle résiste, on l'attaquera sur la pertinence des dossiers traités. Elle comprendra que désormais elle devra fermer sa gueule poliment sinon, la porte... Discrète, c'est toujours le terme employé pour une fille. Elle est gentille et si discrète ...

Pour un  garçon, lui demander dorénavant, d'être plus compétent. Donc de la fermer, à l'avenir il la bouclera  sinon...

 Là, ce n'est pas nouveau, à l'école comme au boulot, on connait le truc depuis la maternelle, les filles doivent être discrètes et les garçons compétents.

 Si la personne répond que oui à l'avenir elle sera plus discrète, PLACARD Numéro 1.

Si la personne répond que non c'est un manque de respect total, PLACARD Numéro 2.

Idem pour l'autre con, le compétent ...

On se frotte rarement dans la vie à l'égalité des chances ! Quand on la croise on s'en souvient, évidemment. Là, quelle que soit ta réponse, le placard t'attend. Égalité partout, c'est pas souvent.

- suite au 13/03/2014 :


PLACARD Numéro 1 :

eveLa personne à éliminer est mise en difficulté par rapport au temps
La personne est noyée de boulot
Elle passe sa vie au bureau et en déplacements
Le grand débordement
Elle est submergée
Plus de vacances
Plus de repos
Trop de coups de fils
Trop de dossiers
Trop de mails
Trop
Trop
Trop

Régulièrement, le supérieur exterminateur volontaire, torturant, te passera un coup de fil en disant, comment ? Comment, tu n'as fait que ça aujourd'hui ? ! ! !  Mais tu dors où quoi ? La personne assaillie, réduite à moins que rien, restera bosser la nuit. S'épuisera. Ruminera. Perdra le sommeil. Perdra la notion du temps. Perdra l'estime d'elle-même. Passera aux médicaments. Ses collègues lui diront, attention, tu travailles trop. N'en fais pas tant. C'est pas normal. Mais par perfectionnisme et instinct de survie professionnelle, la personne employée depuis longtemps ou pas, voudra y arriver consciencieusement. Au fond d'elle-même, elle saura, qu'elle n'y arrivera pas. Mais elle essaiera quand même, ce sera plus fort qu'elle. C'est une question d'amour propre, c'est totalement illogique, mais c'est comme ça, et ça rend fou. Donc, ça fonctionne très bien. Très très bien. L'humiliation produit toujours les mêmes dégâts. Et la question du sens n'est jamais débattue dans ce genre de situation. Puisque la situation est absurde. Tout cela n'a pas de sens, en effet. Mais tout cela est admis. C'est donc que tout cela est permis. Et quand arrivera le jour de la notation, le crayon bifurquera sur la gauche, comme sur le compteur de la voiture de fonction. Tout sera prévu. Non, là franchement, tu m'obliges, tu m'obliges à te mettre une sale note. Tes dossiers, c'est n'importe quoi. Tu es trop lent, beaucoup trop lent, on t'a connu autrement avant, si tu as des problèmes dis-le ou mets-toi en arrêt. L'équipe a besoin de personnes dynamiques. Tu es un frein pour toute l'équipe maintenant. UN FREIN.

Pour en finir quatre solutions

1. La personne tombe malade. Arrêt maladie. Longue maladie.
2. La personne se suicide. Enterrement. Le pauvre, il était fragile et des soucis de famille peut être, depuis quelques temps.
3. La personne claque la porte. S'il lui reste des forces, Prud'hommes.
4. La personne a compris. Vite, elle négocie son départ. Mais, c'est pas gagné pour autant.

Photo de gauche : vitrail de l'église de Chatel-Guyon : Ève cueillant une sale note la pomme (détail).

- suite au 13/03/2014 :

PLACARD Numéro 2 :

La personne à éliminer est mise en difficulté par rapport au temps
La personne n'a plus de boulot, plus aucun déplacement
On la dépossède de ses outilscorbu
Consignes de ne plus l'appeler
Le grand dénuement
Le grand isolement
C'est le grand vide
Elle n'existe plus
Les appels sont déviés
Plus un coup de fil
Plus un dossier
Plus un mail
Rien
Rien
Rien

Adam et Ève, dessin de Le Corbusier
La situation est différente. Le grand vide est insupportable. Mais la personne au départ a dit non. Elle a désobéi. Pas bien. Elle a osé dire non, ne me demandez pas d'être à l'avenir plus discrète. Ou alors, dites-moi quand et pourquoi j'ai manqué d'indiscrétion. Elle a dit non. Ne me demandez pas d'être plus compétent. Je le suis. Je suis responsable et connais parfaitement mes dossiers. C'est pour cela qu'on  bosse ensemble depuis vingt ans. Elle a bien eu conscience en répondant NON, qu'on allait la virer. Seulement, la peur ne l'a pas dominée. Elle n'a pas perdu son estime d'elle-même. Mais pour autant, elle est suffoquée, perdue, de constater à quel point nombre de ses collègues, vont accepter sa quarantaine par peur, et  jouer le jeu de la direction. Ici, la peur, c'est la peur de la contamination. C'est effrayant, de n'avoir rien à faire. De savoir que quelqu'un n'a plus rien à faire. D'accepter d'être payé à rien faire, c'est absurde. Absurde. C'est aussi absurde que  d'accepter trop de boulot. Mais c'est plus clair. Pas obéissant. Puni. Plus rien à faire. C'est basique et primaire effectivement. Le jour de la note, on lui dira, tu n'as rien fait depuis des semaines. En plus, tu n'as même pas pété les plombs. C'est donc que tu n'es plus une personne motivée. On ne va plus pouvoir te faire confiance. On ne va pas pouvoir te garder. C'est de ta faute. Tu n'as rien fait tout simplement.

Pour en finir quatre solutions

1. La personne tombe malade. Arrêt maladie. Longue maladie.
2. La personne se suicide. Enterrement. La pauvre, elle était fragile et des soucis de famille depuis quelques temps certainement.
3. La personne claque la porte. S'il lui reste des forces. Prud'hommes.
4. La personne a compris elle négocie son départ. Mais c'est pas gagné pour autant.


Et voilà, rien de bien original ma foi, dans tout cela. La qualité c'est comme ça. Les temps sont cruels pour tous les salariés. Rien de nouveau non plus. Evidemment, dans l'entreprise la torture est admise, oui mais cela ne se dit pas. La souffrance est de mise, et la cruauté, parfaitement tolérée. Et puis surtout, l'absurdité très bien employée et souvent, car l'absurdité est un ressort du fascisme, qui séduit toujours les dominants. C'est une arme si facile à utiliser, qu'elle n'exige pas d'être intelligent, bien au contraire, même si elle requiert un certain talent. C'est un bel instrument de démolition l'absurdité, finalement, c'est l'arme propre, la favorite des autorités. Aucun raisonnement ne tient en face d'elle, c'est pour cela, justement, qu'on lui fait si souvent appel. Et comme l'absurdité rend fou,  c'est pratique. Elle balance les salariés par la fenêtre ou elle les fait se pendre ou bien sauter du pont. Dans le travail comme dans la vie, le bon sens est un luxe aujourd'hui, le bons sens et puis le respect d'autrui, se font de plus en plus rares hélas, c'est déplorable, mais c'est la réalité. Autant le monde du travail vous porte, autant aussi, il vous détruit et peut vous diviser.

Si vous passez un jour par le Sanibroyeur SFA, ne restez pas seul. Faites vous aider. Parlez. Racontez. Prenez le micro si vous pouvez. Prenez bien soin de vous entourer. Gueulez. Manifestez. Tapez des pieds. Serrez-vous les coudes. Exprimez-vous. Ne restez pas les bras croisés. Et donnez un sens à tout cela. Rappelez-vous avant tout, que l'amitié donne accès au bon sens et produit toujours les mêmes effets libérateurs. Et en dehors de votre boîte, n'oubliez pas qu'il y a les syndicats pour vous aider à y voir clair, les prud'hommes, l'inspection du travail, le CHSTT... C'est vrai, il faut encore être en forme pour pouvoir les solliciter, et ça ne marche pas à tous les coups, mais un licenciement n'est jamais dû à la fatalité, alors faut y aller, au moins pour comprendre ce qui vous est arrivé, et le code du travail n'est pas encore enterré. On l'espère.

En tout cas, n'oubliez pas le mode d'emploi.

Qui que vous soyez, il pourra vous servir, quand votre tour viendra.


Régine Mary (ex Sainte Iso)

 

 

UN COMMENTAIRE le 15/03/2014

Régine est du genre plutôt rigolote. Mais elle a dû beaucoup souffrir au travail. Peut-être dans une vie antérieure. C’est sans doute ce qui lui a fait choisir son pseudo de Sainte Iso. Comme isolée, isolation, isolateur, qui caractérise la femme électrique.
J’ai eu plus de vaine (ou de veines ?) qu’elle. 50 ans à faire le métier de comédien et d’écrivain, et pas l’ombre d’un petit chef. Une seule fois malheureux au boulot : un copain, qui donnait dans l’évènementiel, avait cru pouvoir faire avancer la cause antinucléaire en faisant venir le clown atomique à une remise de cartes de retraités CGT de l’EDF. Pas pu placer un gag. J’ai compris ce soir-là ce que les copains artistes appelaient cachetonner. « Faut bien gagner sa croûte ! ».
Très peu pour ma pomme. De mai à mai fait ce qu’il te plait. Soupe aux pissenlits, orties, chiendents  et riz complet nourrissent très bien son homme. Si besoin. Sans doute quelque chose comme la « sobriété heureuse » prônée par Pierre Rabhi.bonheur   Désormais au courant de la démarche qualité par Régine, j’en sais un peu plus sur le régime du travail dans l’entreprise. Je me demande d’ailleurs si cette histoire de normes n’a pas commencé très tôt. Une affaire de calibrage de pommes dans un jardin. D’où mes illustrations d’Adam et Ève, victimes de la punition originelle : « tu gagneras ton pain complet à la sueur de ton frontispice ».


Adam et Ève avant la chute
(fresque de Nicolas Greschny)

Le boulot, c’est avant tout punitif. L’employé modèle, c’est celui qui chaque jour montre à son patron qu’il souffre. Pas de rédemption sans souffrance.
Ils appellent ça la Condition Humaine. Et ils t’écrivent des pages et des pages pour distiller leur amertume, de Claudel à Camus, de Sartre à Kierkegaard en passant par
Groucho Marx ou Heidegger. Pas des rigolos tous ces écrivains d’entreprise ! Va t’étonner ensuite quand l’employé modèle de Leroy-Merlin te fait la tronche en te vendant une clef à molette. Son patron l’observe à la caméra cachée et l’employé a intérêt à bien lui montrer qu’il souffre s’il veut justifier sa paye mensuelle.

« Il y a tellement de choses plus importantes dans la vie que l'argent, mais il faut tellement d'argent pour les acquérir. » (Groucho Marx) « Le bonheur n’a pas de prix »… etc. L’Occident chrétien n’a trouvé que la consommation et la souffrance comme réponse à l’interrogation sur sa destinée. Une souffrance liée à la faute. Une invention du Père Fouettard et de son Fiston, apôtre de la soumission, qui, à coup de Béatitudes évangéliques sur la montagne, punit les méchants (ceux qui sont heureux) et magnifie les bons (ceux qui souffrent).
Une aubaine reprise dare-dare par la plupart des politiques. Promesses d’eau chaude et d’eau froide à tous les étages. Soldes monstres au rayon farces et attrapes. Et bonheur universel pour après-demain. À condition, bien entendu, d’accepter d’en baver un max avant. 

Et si le bonheur était déjà là ? Malgré eux. Dans le pré, cours-y vite, cours-y vite.
« J’ai décidé d’être heureux, parce que c’est bon pour la santé » (François-Marie Arouet, dit Voltaire)
JK
(Heureux ! Comme Fernand Raynaud, qu’on retrouvera bientôt sur cette page.)


LA RÉPONSE de Sainte Iso
15/03/2014

Et bien, non je n'ai pas souffert au travail, car j'ai correspondu
fourmi

pendant 33 ans au profil type de la fourmi  heureuse, et productive
qui travaille dans la joie et retrouve ses copines pour rigoler
chaque matin, en travaillant comme une damnée pour
le salut de mon âme ... et surtout celui de ma direction !
Et payer les traites de ma maison comme chacun fait.
 
Et puis un jour, j'ai été virée en premier, faisant partie des grandes
gueules non formatées !
 
J'aurai plaisir à vous conter si cela vous intéresse, la mort du
Crédit Immobilier de France, un vieux monsieur à l'agonie !
En attendant voici l'éloge de la fourmi heureuse que j'étais :
 
"Il était une fois une Fourmi productive et autonome qui travaillait dans la bonne humeur et surtout très efficacement chez Frelon & Cie.
Le Frelon (enfin, le fils du créateur… "Frelon Junior"), qui est le PDG ambitieux de l’entreprise où travaille notre laborieux insecte, décida qu’il était temps de donner une plus grande ampleur à son activité (un "coup de pied dans la fourmilière"), et il créa sur le champ un poste de manager (la Coccinelle) pour organiser le travail de la fourmi.
La Coccinelle ne pouvait occuper un poste aussi prestigieux et avec autant de responsabilités sans l’aide d’une secrétaire compétente (l’araignée). Elle fut donc embauchée pour l’aider dans la préparation des nombreux projets d’amélioration proposés par ce jeune cadre dynamique.
Suite aux rapports pléthoriques et si pertinents de la Coccinelle, le PDG demanda la simplification de sa tâche de lecture en rédigeant des analyses plus synthétiques. Comble du raffinement, il exigea que l’on mette en place les sacro-saints tableaux de bords que toute entreprise dynamique se devait d’avoir. Tableaux de bords où devraient figurer, en très gros, "les fameux indicateurs d’activité" témoins de la croissance tant attendue…
1er résultat : l’embauche pour cette tâche complexe d’un cafard au poste de contrôleur de gestion.
Étrangement, notre fourmi heureuse commença à perdre en qualité de travail et en productivité. Pire, elle se plaignait. Que disait-elle pour expliquer son absence de résultats ? "J’ai trop de paperasserie et de réunion à faire et pas assez de temps pour travailler." Quelle ingrate !
Le Frelon, PDG au courage et l’intelligence indéniable, n’écouta pas les cris* du triste insecte et créa très logiquement le poste de chef de service (la Cigale) pour superviser, au plus près, la fourmi rétive.
Suite à ces nombreuses embauches, il fallut investir en moyens nouveaux (locaux, véhicules, ordinateur, serveur réseau, etc… ) et surtout bien  les gérer et on assistât à l’avènement tant attendu des services supports,  sans lesquels une entreprise ne peut être moderne : communication, marketing, logistique, RH (?) et qualité évidemment…
Pendant ce temps-là, la fourmi était de moins en moins heureuse et  productive. Les arrêts maladies se succédèrent et son état tant physique que psychique se dégradait à vue d’œil.
Frelon junior, n’étant pas insecte à baisser les pattes, se rendit compte de la dégradation de la rentabilité et eut l’idée de faire appel aux services d’un consultant, M. Hibou (et Émeraude RH alors ?) pour un diagnostic généralisé qui préconisa comme très souvent une réduction drastique des effectifs.
Qui fut la 1ère victime du plan de licenciement ?… La fourmi évidemment !"

Pas de moralité à cette fin tragique que nous sommes des milliers à expérimenter !
Vivez si m'en croyez n'attendez à demain

Ste Iso

avec l'aide de Philippe Escande : (Manuel de survie dans un monde complexe) et de Emeraude-rh

GoriL’imposteur est aujourd’hui dans nos sociétés comme un poisson dans l’eau : faire prévaloir la forme sur le fond, valoriser les moyens plutôt que les fins, se fier à l’apparence et à la réputation  plutôt qu’au travail et à la probité. Préférer l’audience au mérite, opter pour le pragmatisme avantageux plutôt que pour le courage de la vérité, choisir l’opportunisme de l’opinion plutôt que tenir bon sur les valeurs, pratiquer l’art de l’illusion plutôt que de s’émanciper par la pensée critique, s’abandonner aux fausses sécurités des procédures plutôt que de se risquer à l’amour et à la création. Voilà le milieu où prospère l’imposture.

Notre société de la norme, même travestie sous un hédonisme de masse et fardée de publicité tapageuse, fabrique des imposteurs. L'imposteur est un authenthique martyr de notre environnement social, maître de l'opinion, éponge vivante des valeurs de son temps, fétichiste des modes et des formes. L'imposteur vit à crédit, au crédit de l'Autre.

Sœur siamoise du conformisme, l’imposture est parmi nous. Elle emprunte la froide logique des instruments de gestion et de procédure, les combines de papier et les escroqueries des algorithmes, les usurpations de crédits, les expertises mensongères et l’hypocrisie des bons sentiments.

De cette civilisation du faux-semblant, notre démocratie de caméléon est malade, enfermée dans ses normes et propulsée dans l’enfer d’un monde qui tourne à vide. Seules l’ambition de la culture et l’audace de la liberté partagée nous permettrait de créer l’avenir.

Roland Gori

Et demain on passera aux implications concrètes de l'imposture avec Régine Mary